A Lorgues, un souvenir de Pablo Picasso,

Pablo Picasso nous a quittés il y a cinquante ans, le 8 avril 1973. Cet anniversaire nous donne l’occasion de revenir sur l’histoire de ce peintre, un véritable icône du XXième siècle, un homme qui fit face au chaos du monde. A Lorgues, en vous rendant  sur le chemin de Sainte Anne, à proximité immédiate du Domaine de la Cabrière, vous retrouverez un véritable témoignage d’un épisode de la vie de cet artiste.

Picasso devant son tableau « Guernica »

Pablo Picasso, peintre réputé pour avoir peint « Guernica » et «  La Colombe de la Paix » fut inculpé pendant la guerre d’Espagne, menacé sous l’occupation pendant la seconde guerre mondiale, glorifié à la libération et starisé pendant la guerre froide.

Né à Malaga en Espagne en 1881, il vient à Paris dès 1900 pour pénétrer le milieu des artistes peintres en s’installant au Bateau-lavoir sur la Butte Montmartre. D’abord artiste classique, il va dès 1907 se révéler comme le pionnier de la révolution cubiste avec ses «  Demoiselles d’Avignon » et devenir célèbre et riche.

En 1936, il est profondément choqué par le putsch mené par les militaires en Espagne avec à leur tête Franco. Il se rallie aux républicains espagnols et va se voir confier la réalisation d’une fresque pour le pavillon espagnol de l’Exposition Universelle de Paris prévue en 1937. En mars 1937, il apprend par la presse que « 1000 bombes incendiaires  lancées par les avions de Hitler et de Mussolini ont réduite en cendres la ville de Guernica en Catalogne, tuant de nombreux civils ». Cet évènement conduira Picasso à réaliser le tableau  « Guernica » dans lequel il exprime sa haine de la classe militaire qui vient de plonger l’Espagne dans la douleur et la mort. Ce tableau noir et blanc nous montre une scène de massacre éclairée par un soleil : l’œil du peintre, une bougie : pourquoi tout cela ? et, un peu d’espoir, avec une fleur et une colombe bien cachées.  Ce tableau deviendra un chef d’œuvre symbolique, un cri pour exprimer la détresse universelle.

« L’Homme au Mouton » à Valauris

En septembre 1939, la France entre en guerre contre l’Allemagne. Picasso va néanmoins rester à Paris occupé par les nazis. Il est surtout obsédé par la sauvegarde de ses œuvres, il déclarera : « Je n’ai jamais considéré la peinture comme un art de simple agrément, de distraction. Ces années d’oppression terribles m’ont démontré que je devais combattre non seulement pour mon art, mais, aussi pour ma personne. » Il continuera à peindre surtout des natures mortes plutôt sombres et épurées. Non engagé politiquement, il traversera la guerre sans ennui en gardant des amitiés de tout bord : des opposants au régime comme Eluard, Jean Paul Sarthe jusqu’aux collaborateurs comme Jean Cocteau. Néanmoins, il montrera son opposition à l’art nazi qui s’est attribué l’art classique en réalisant « L’homme au mouton »

En aout 1944, Paris est libéré. L’atelier de Picasso est envahi par ses admirateurs, les soldats anglais et américains  et devient le salon mythique de la liberté retrouvée. Picasso est alors présenté comme un héros de la résistance alors qu’il n’a jamais agi.

En 1946, Picasso s’inscrit au parti communiste comme de nombreux intellectuels. A  cette époque, le parti communiste représente avant tout le parti anti nazi qui s’est engagé fortement pendant la guerre dans la résistance et soutient désormais tous les efforts vers la paix.

En février 1949, un Congres mondial pour la Paix, soutenu par le Mouvement mondial des partisans de la Paix, et de nombreuses organisations communistes se tient à la salle Pleyel  à Paris. Louis Aragon, l’un des organisateurs de l’événement s’adresse à son ami Pablo Picasso, pour lui demander un dessin. Picasso trace alors le profil d’une colombe  en s’inspirant des pigeons blancs qu’il garde en cage dans son atelier.

 Cette colombe évoque l’histoire de l’arche de Noé, racontée dans la Bible. En effet, l’oiseau — envoyé par Noé par trois fois pour voir la fin du Déluge — rapporte une feuille d’olivier, ce qui signifie à Noé que la terre est enfin débarrassée des eaux. Dieu a dirigé la colombe vers l’arche de Noé. Quant à la blancheur et la légèreté de l’oiseau, elles évoquent  l’espoir et le retour à la paix.

Cette conférence de 1949, constitue le point de départ de la Conférence du désarmement, instance de l’Organisation des Nations Unies (ONU) toujours en vigueur en 2023. Les conférences vont se succéder pendant des décennies et curieusement, c’est le CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique) fondé en 1945 par le Général de Gaulle,  qui représentera la France. Les affiches de ces conférences reprendront systématiquement le thème de la Colombe de la Paix de Picasso.

En 1958, une de ces conférences, « va procurer au monde un divertissement curieux, bien qu’un peu confidentiel : la Conférence des experts en matière de détection nucléaire, »… un certain professeur Yves Rocard, va être convoqué par l’administrateur du CEA , Guillaumat qui lui demandera  « Voulez vous y représenter la France ?, le nouveau gouvernement est pris au dépourvu et ne sais que faire »

Yves Rocard acceptera cette proposition et c’est dans la suite logique de cette conférence et, dans l’atmosphère de guerre froide de cette époque,  que, quelques années plus tard, il va mettre en place un réseau de détection des explosions nucléaires et acquérir à Lorgues le Pavillon de la Cabrière pour y installer  son compagnon de la résistance Marcel Pioud qui sera chargé de surveiller les explosions nucléaires aériennes avec son microbarographe et de piloter les trois stations sismiques de la Provence destinées à localiser les explosions nucléaire souterraines.

Au début des années 2000, les nouveaux propriétaires du Pavillon de la Cabrière ayant eu connaissance de cet épisode vont confier à leur gendre tailleur de pierre et sculpteur en Allemagne le soin de sculpter une Colombe de la Paix version Picasso sur la pierre signalisant l’entrée du Pavillon. C’est ainsi qu’ils vont, pour l’histoire, discrètement rappeler l’objectif initial du Pavillon et son rôle pendant la « guerre froide ».

Picasso dessinant sa Colombe de la Paix

F. Lenglet  11/2023

Source: documentaire « Picasso sans défense » ARTE.TV 03/2023

ANNEXE :

A Lorgues, la Colombe de la Paix est en danger,

Depuis début 2023, un grand chantier est en cours dans les secteurs de la Courneirède et de la Cabrière. L’objectif est d’exploiter la forêt devenue bien dense tout en laissant quelques arbres, permettant par la suite à la forêt de se régénérer.

Mais encore, faudrait-il ne pas aller trop loin ?

Si les arbres coupés sont vite dégagés, quand seront débarrassés tous les branchages laissés sur place ? A l’approche de l’été, ces branches séchées deviennent un risque majeur d’incendie.

Et que deviendra notre plaque signalétique de la Cabrière ?

Cette pierre était jusqu’à présent posée au bord du chemin sur une belle pierre et s’appuyait sur deux arbres. Nos bucherons ne sont-ils pas allés trop loin, en coupant ces arbres, en détruisant un paysage bien champêtre et surtout en   laissant négligemment la pierre à la Colombe au sol.

Où ira-t-elle demain ?

Lorgues, vers La Cabrière
La Cabrière et sa Colombe autrefois
La Cabrière et sa Colombe aujourd’hui

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