Une « Promenade des Anglais » à Nice? Pourquoi ?

Da segur plus jamai degun noun pourra parlà o pensà à la Proumenada dei Englès sensa avé en testa aquela foulía criminala qu’a Iaissat en terra esquasi un centenau de mouort e esquasi quatre cent ferrit d’ome, de frema e d’enfant !

Certainement plus personne ne pourra parler ou penser à la Promenade sans avoir en tête cette folie criminelle qui a laissé au sol presque une centaine de morts et presque quatre cent blessés, des hommes, des femmes , des enfants.

La Promenade des Anglais

La Promenade des Anglais épouse sur près de dix kilomètres la « baie des Anges »; le bord de mer à partir duquel la ville de Nice a grandi. C’est un long ruban qui commence dans le vent au pied de la colline du Château sur le Quai Rouba Capeu(1) et se termine dans le bruit à l’aéroport.   

Mais pourquoi ce nom atypique dans une ville française et pourquoi « la Promenade », quand nous avons déjà dans notre langue la rue, la route, l’avenue, le boulevard etc…?

C’est un écossais qui est à l’origine de son histoire:

1763, l’écossais Tobias Smollet découvre Nice .  

Nice tribulations de Tobias Smollet

En 1763, un médecin et écrivain écossais Tobias Smollet, souffrant d’une maladie bronchique, effectue un voyage en France puis en Italie et séjourne en particulier  à Nice. A son retour, il publie Voyages à travers la France et l’Italie  dont l’écho est considérable auprès de l’aristocratie britannique. Dans ce livre, il se montre plutôt sarcastique et n’hésite pas à dénigrer les français : « le Français n’est qu’un petit-maître, voué à la curiosité impertinente, la sotte vanité, la gloutonnerie et le libertinage!.. ». Par contre il va tomber sous le charme de la petite ville de Nice placée entre mer et montagne et baignée dans une belle nature : « Quand je monte sur les remparts et que je regarde autour  de moi, je crois vraiment à un enchantement. La petite campagne qui s’étend sous mes yeux est toute cultivée comme un jardin: d’ailleurs on ne voit dans la plaine que des jardins pleins d’arbres verdoyants, chargés d’oranges, de citrons, de cédrats et de bergamotes qui font un charmant tableau »  

  Tobias Smollet va finalement rester deux ans à Nice pour se soigner puis guérir. A cette époque, le Comté de Nice fait partie du royaume de Sardaigne, n’a que 12 000 habitants et est peu connu des britanniques.  

Le succès du livre de Tobias Smollet sonne le coup d’envoi de la fortune de Nice. Les Anglais, vont s’enticher de cette fameuse baie et feront de Nice, une station balnéaire, capitale d’hiver , une étape incontournable du « Grand Tour » pratiqué par l’aristocratie européenne.

La tradition du « Grand Tour » de l’aristocratie européenne.

Vers la fin du XVII ème siècle, s’établit en Europe la tradition aristocratique du « Grand Tour » qui consiste pour les jeunes nobles à parcourir la France, l’Allemagne ou l’Italie principalement et y rester plusieurs mois. Nice devient rapidement la véritable destination de quelques aristocrates britanniques intrépides en quête de long séjours. Les anglais s’installent en retrait de la ville puis dans le faubourg dit de la Croix de Marbre où ils bâtissent leurs maisons, une église puis un cimetière. Mais ils sont également séduits par les bienfaits du climat méditerranéen et se rendent à Nice pour se guérir entre autres de la « phtisie » ou d’autres maladies respiratoires. Ils admirent la beauté du paysage, le panorama exceptionnel sur la mer sous l’intense ciel bleu caractéristique de la région, et la variété des couleurs des paysages mais c’est surtout la proximité de la montagne qu’ils apprécient. Bien souvent derrière une santé chancelante se cache une grande oisiveté. Ils viennent également pour se divertir, et souhaitent pouvoir se promener et respirer le long de la mer en voiture ou à cheval.

Création d’un sentier le long de la mer:

A l’époque, il est bien difficile de se promener le long de la mer car cette zone est marécageuse et pleine de rochers. Dans les années 1820, toute la Provence comme la région de Nice vit des années difficiles (1). Deux saisons de très mauvaises récoltes réduisent beaucoup de Niçois à la mendicité . Et à qui demander de l’aide? Aux riches touristes anglais bien sûr. Mais à cette époque, la tradition britannique interdit de donner la charité à toutes les personnes en mesure de travailler. Néanmoins les anglais restent bien conscients de la gravité de la situation.

C’est alors que le révérend Lewis Way , le prêtre anglican de la communauté britannique fait une proposition brillante. Il saisit l’opportunité de remédier aux problèmes des Anglais comme des Niçois avec un projet. Il réalise une collecte parmi les résidents anglais pour construire leur promenade le long de la mer puis fait appel aux pauvres et désœuvrés niçois pour réaliser le chemin le long de la mer. Ainsi les Anglais pourront faire leur promenade et les pauvres bénéficieront d’une activité honorable.

1822 Future Promenade des Anglais

En 1824, la première promenade est terminée, le modeste chemin de terre fait deux mètres de large . Officiellement il est appelé la  » strada del littorale « , ou le  » chemin de bord de mer  » mais la population de Nice lui donne le nom de  » camin dei Ingles  » puisqu’il a été financé puis utilisé par la communauté anglaise.

C’est en 1835 que la ville de Nice reprend l’entretien de cette promenade et procède à plusieurs élargissements successifs en particulier la réalisation de deux voies : l’une pour le passage des calèches et l’autre pour les cavaliers.

Nice vers 1841

En 1844, le Premier consul de la ville, donne à la nouvelle voie le nom officiel de « camin dei ingles », la fait prolonger jusqu’aux Baumettes et ordonne la plantation d’arbres et d’arbustes à fleurs. Les travaux continuent à la Belle Époque, et ce qui était devenu « la Promenade » est prolongé jusqu’au Var par étapes successives, jusqu’à son achèvement en 1904.

1860, rattachement de Nice à la France: 

En 1860, lorsque les Niçois acceptent de se rallier à la France, les Anglais qui avaient boudé la ville en menaçant de ne plus revenir suscitent l’inquiétude des autorités.

Le poète propagandiste, et soutien de Napoléon III,Théodore de Banville s’étonne de leur absence cette même année.

1865 Promenade des Anglais

Extraits: » Je n’ai pas mieux vu cette innombrable foule d’Anglais, qui, me disait-on, s’abat chaque année sur Nice comme une nuée de sauterelles. Quelques Anglaises seulement, jeunes et charmantes, arborent les robes d’été, comme si nous étions sérieusement sous les tropiques ».  . l’Empereur Napoléon III fait tout ce qui est en son pouvoir pour faire revenir l’aristocratie britannique . C’est ainsi que de nombreux noms de britanniques sont donnés à des rues et lieux publics et surtout que le  » Camin dei Ingles  » prend son nom français  » La Promenade des Anglais « . Enfin, l’arrivée du chemin de fer à Nice en 1864, provoque la visite en masse des touristes , en particulier britanniques.

De 1860 au début du XX ème siècle: la « belle époque »

Les aristocrates britanniques organisent des réceptions et tiennent salon dans des
propriétés privées pour rythmer leurs longues journées oisives, contribuant ainsi au
développement de la vie culturelle niçoise hivernale. Garden parties, galas, bals masqués et mardi gras alternent avec des œuvres de bienfaisance.

1922 Promenade des Anglais

Les initiatives singulières ne manquent pas non plus, les Anglais se distinguant par
leur originalité ; citons la création de nombreuses associations comme « L’Association des Amis des Arbres » qui cherche à préserver les oliviers parfois centenaires que l’urbanisation croissante menace et surtout la  » Ligue contre la poussière  « , véritable croisade britannique à l’origine du revêtement en macadam de la Promenade des Anglais et de l’avenue Masséna etc…

Dès lors, les Anglais consacrent Nice comme station hivernale, et lui donnent le surnom de  » Living Room of Europe « .

Outre-Manche, la reine Victoria et son fils, le futur Édouard VII, fréquentent assidument Nice et  jouissent d’une extrême popularité; la reine est même  surnommée dans son pays  » The Queen of the Riviera « .

Désormais, la Promenade des Anglais est devenue un lieu de rencontre incontournable et mérite bien son nom.

1- Rouba Capeu signifie en Nissard : « le lieu où les chapeaux s’envolent »

2- C’est en 1817 que les habitants de Lorgues victimes de la sécheresse se rendent en pèlerinage à la Chapelle où repose Sainte Roseline pour faire venir la pluie.

François Lenglet ,  Jean Claude Gratarolla

Sources: – Voyages à travers la France et l’Italie (Travels through France and ItalyTobias Smollet publié le 8 mai 1766.      

-Quelques pionniers des représentations littéraires de Nice dans les années 1860        par   Martine SCHWARTZ –   

The English Promenade in Nice,France par Margo Lestz / 2013 

La Mer de Nice de Théodore de Banville         

L’aristocratie anglaise à Nice à la Belle Époque , par Pintus Isabelle                               éditions ALANDIS,2000

Un commentaire sur “Une « Promenade des Anglais » à Nice? Pourquoi ?

  1. Très bien décrie, et bien situé dans le temps, pour ma part je croyais que c’était la Reine Victoria qui a donné l’envie au Anglais de venir se reposé a Nice, et elle a eu droit a sa Statue en haut de Cimier, et part la suite fit construire, le Palais Regina, ainsi que L’Hôpital, qui lui maintenant, s’appel Hôpital de Camiez
    c’est ce que l’on me disait quand j’était jeune et au Beaumettes

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