1860: la découverte d’une ville mythique : Nice

 En 1860, Nice et sa région vont connaître un bouleversement politique : l’annexion  à la France.  En effet le Comté de Nice qui était depuis la fin du Premier Empire rattaché au royaume de Piémont-Sardaigne doit revenir à la France à la suite des accords secrets de Plombières entre Napoléon III et le premier ministre Cavour.        Ainsi dès fin 1859,Napoléon III  envoie à Nice des écrivains célèbres et fidèles à sa cause pour faire connaître et promouvoir la région auprès des français.Parmi les écrivains qui vont découvrir Nice à cette occasion, figure l’écrivain et poète Théodore de Banville.

Théodore de Banville

Ce dernier fera paraître dès janvier 1860 dans le journal quasi officiel du Second Empire: Le Moniteur Universel une série d’articles* sur Nice et sa région . Ces lignes plutôt lyriques parfois pompeuses,  conservent le charme de l’improvisation et restituent les émotions vibrantes éprouvées par l’auteur qui découvre toute la beauté, la lumière, la nature de cette région ainsi que la présence enthousiaste de la communauté internationale et plus particulièrement de la noblesse anglaise.

C’est une façon originale de découvrir Nice telle  qu’elle était il y a 150 ans  

 Ces articles contribueront à l’attrait qu’exercera désormais la Cote d’Azur désormais sur le « Tout Paris »

  • La découverte des bords de la Méditerranée montre que la dénomination de Cote d’Azur n’est pas usurpée:
Baie de Nice vers 1860

Extraits de l’article du 7 janvier 1860:            Devant moi, autour de moi, au loin, à l’infini, toujours ce bleu ineffable dans lequel un gouffre de lumière incendiée s’ouvre quelque part, nappe flamboyante, lac d’or en fusion, noyé dans l’azur qu’il dévore de ses flammes vives et qui le submerge de ses ondes voluptueuses. La nuit, cette nappe est d’argent, blanche d’une blancheur d’étoiles, faite de clartés sidérales….

  • La ville de Nice n’est encore qu’une bourgade de 30 000 habitants noyée dans une belle nature mais déjà façonnée par les Anglais qui ont apporté de leur colonies les palmiers et les eucalyptus.
Nice Hotel des étrangers

Extraits Et, sur ses bords, de quelle grâce hypocrite vous enlace ce décembre en habit de printemps, vêtu de verdure et de fleurs! Sur les orangers au sombre et abondant feuillage, voici les fruits d’or groupés en grappes vermeilles ; voici des palmiers que n’a pas brûlés le rouge soleil du désert ; mais surtout, dans les parcs, dans les jardins, dans les haies du chemin, sur les montagnes, oh! que de roses ! Toutes sont fleuries et sans cesse refleurissent; leur haleine imprègne tout l’air qu’on respire…Si les habitants de Nice le voulaient, ils pourraient demain joncher de roses tous les pavés de leurs rues, et il en resterait encore sur leurs arbres…

  • depuis près d’un siècle les aristocrates anglais séjournent en nombre à Nice en hiver, ils ont construit leur propre quartier luxueux et restent plutôt à part de la population locale . Ils parlent mal le français ayant l’orgueilleuse conviction que l’anglais est devenu la langue universelle.
Palais Furtado

Extraits C’est ici que le descendant authentique des Visconti de Milan dirige un admirable cabinet de lecture où les Anglais étudient consciencieusement nos revues sous les orangers…
Les maisons même du nouveau Nice ont l’air d’un décor de féerie, ornées qu’elles sont de fresques légères, bizarres, brossées par des mains follement hardies, et qui représentent sur des murs nus toutes les ciselures et les découpures de l’Alhambra. Sans doute on aurait pu sculpter tout cela au lieu de le peindre, mais à quoi bon? Pour les élus de ce paradis des roses l’heure présente est l’éternité elle-même ; et pourquoi des maisons réelles devant cette mer qui peut-être n’est qu’un songe créé par la baguette d’un enchanteur ?….                                                            Assis sur un des bancs verts qui bordent la haute terrasse, je regardais monter, par les chemins pleins de roses, les jeunes demoiselles anglaises aux petits chapeaux plats ornés de plumes. Elles étaient elles-mêmes roses comme ces douces et riantes fleurs d’hiver; elles portaient dans leurs grands yeux ingénus tout l’azur des lacs de leurs pays, et des résilles de soie contenaient à grand peine leurs chevelures, qui ont exactement la nuance de l’or…

  • Le vieux Nice est une ville traditionnelle où se regroupe le peuple qui souhaite avant tout le maintien de sa langue locale et garder son autonomie.
Vue de la colline et son château

Extraits: Le vieux Nice, au contraire, est une ville réelle, aux rues étroites, bâties pour éviter le soleil, et pavée de petites dalles de granit. Comme dans nos vieilles villes de France, ces ruelles sont un marché perpétuel, où les boutiques toutes primitives, sans autre jour que leurs larges portes, présentent aux yeux des encombrements et des fouillis d’oripeaux aux couleurs vives…

  • A Nice, la montagne se jette dans la mer et les terrasses aménagées permettent de découvrir  une végétation généreuse et un petit port de loisirs et une des plus belle vue du monde à 360 degrés
Les Ponchettes

Extraits: J’ai suivi la promenade des Ponchettes, qui conduit à la haute et verdoyante montagne appelée encore le Château. Ce haut promontoire isolé, haut de quatre-vingt-treize mètres, est jusqu’au sommet ombragé de pins et de lauriers ; tous ses chemins, en labyrinthe, sont bordés de rosiers fleuris. De grands cactus, d’immenses aloès aux feuilles aiguës comme des glaives, égayent la sombre verdure. A la place où subsistaient encore quelques ruines du vieux château, on a bâti il y a quelques années une élégante terrasse aux balustres de terre cuite, pavée avec cette mosaïque de cailloux si employée à Nice. Rien de magique comme le spectacle qui se déroulait de là sous nos pieds. Ici la vaste mer de saphir ; d’un autre côté le petit port de Limpia, véritable jouet d’enfant façonné pour les loisirs de quelque Titania adolescente, et qu’on serait tenté de ranger dans un coffret de cèdre, avec sa mer d’émeraude et ses jolis petits navires en miniature. Et partout les montagnes formant amphithéâtre, agitant leurs chevelures d’oliviers et faisant ressortir la blancheur ineffable des pics déserts couverts de neige.

  • Mai 1860,les Niçois décident à travers un plébiscite le retour de Nice à la France et la cité triomphante peut désormais accueillir tout ce joli monde qui fera de la ville la capitale du tourisme mondial.
1899 La reine Victoria séjourne à Nice

Extraits: Les villes ont leur destinée écrite, et le sort de Nice est de régner sans partage parmi ces filles de la Méditerranée qui sont vêtues de flots transparents et de roses fleuries. … Nice, où l’œil éperdu voit autant de diamants que de fleurs, et où des gipsies dorées par le soleil, mais coiffées par une modiste de la place Vendôme, croisent sur la promenade des Anglais des beautés de lys aux cheveux rouges, poussées comme des lotus au bord des lacs mélancoliques; Nice ombreuse et enflammée, qui semble un paradis terrestre fait pour la solitude, et où brillent les satins, les joyaux, les uniformes, les ordres étincelants de pierreries; Nice, à la fois Eldorado et boulevard de Gand, restera sans rivale parmi les séjours d’oubli.

Mistral dira de Nice que c’est  « un pays de Dieu » et Banville affirmera:« Ici c’est le paradis à la porte duquel on laisse toute désespérance ,c’est comme Paris en balade et la promenade des Anglais en est la vitrine ».                                                                Ainsi,dans les années 1860, les auteurs qui décrivent Nice et sa région créent de toutes pièces une ville mythique et  participent à une propagande qui fera de Nice la capitale du tourisme mondial.

*les articles du Moniteur Universel seront regroupés fin 1860 dans un livre « La Mer de Nice »

François Lenglet / Jean Claude Gratarolla.

Sources:

–  « La Mer de Nice » Lettres à un ami   de Théodore de Banville éditions Marcel Petit / Culture Provençale et Méridionale / 1999                          

-« Nice 1860 » d’Alex Benvenuto éditeur Serre 2009

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