En Novembre 2015, je découvre dans l’angle d’une fenêtre à l’intérieur de la maison une petite bête impressionnante et splendide que je n’avais jamais vue auparavant.
Il s’agit bien d’un insecte avec son corps composé de trois parties bien distinctes (tête, thorax et abdomen), une paire d’antennes, trois paires de pattes, des ailes. La tête minuscule porte deux très longues antennes, sur le thorax sont fixées des ailes doubles d’un joli marron avec un dessin blanc en forme de W, les pattes postérieures ont des fémurs fortement épineux, et les tibias ont l’apparence d’une feuille. Si le corps ne mesure que deux centimètres, l’animal reste impressionnant avec ses antennes et ses pattes surdimensionnées.
Premières investigations: la bestiole est venue squatter notre demeure à l’approche des frimas comme le font régulièrement les coccinelles. Au bout de quelques jours ce n’est pas une mais quelques dizaines de bestioles qui s’installent dans la maison et contrairement aux coccinelles qui d’habitude restent sagement au coin de la fenêtre, l’animal se déplace régulièrement et… participe en quelque sorte à la vie familiale…J’interroge plusieurs personnes : l’animal semble totalement « inconnu au bataillon » et dans une jardinerie, on m’affirme : « C’est peut-être un termite !» Panique à bord car s’il s’agit d’un termite, qu’adviendra-t-il dans quelques temps des charpentes en bois de la maison ? Il faut mener l’enquête et internet va être d’un grand secours.
L’enquête Internet : un premier site Internet « galerie-insecte.org » présente une fiche par insecte, la galerie présente plus de 150 000 insectes mais le « mien » ne semble pas y figurer. Le site propose également l’identification par un spécialiste à partir d’une photo. Je transmets donc une photo de notre insecte et j’attendrai fin février pour avoir une réponse et la création de la fiche N°154762 .Cette fiche présente notre bestiole ; c’est un Heteroptera Coreidae ? Le néophyte que je suis est bien avancé…et va devoir pénétrer le monde des entomologistes (spécialistes des insectes) et comme il y plus de 1,3 millions d’espèces d’insectes dans le monde !!!
Wikipedia nous apporte un début de réponse : l’Hétéroptère constitue la famille des punaises qui se caractérise par un appareil buccal de type piqueur-suceur. Le Coreidae est essentiellement un insecte suceur de sève. Il se nourrit de cônes de conifères en cours de formation et également des graines contenues dans ces cônes.
Ouf, ce n’est pas un termite et sa présence dans notre région riche en pins n’est pas surprenante par contre la réputation des punaises fait naître de nouvelles craintes : à priori notre locataire, s’il a été fortement présent dans la maison, n’a néanmoins pas laissé d’odeur particulière, ni piqué, ni occupé les lits.
La punaise américaine : Finalement, des passionnés du monde des insectes (en particulier : « insectes-net.fr » vont nous faire découvrir une longue et passionnante odyssée.
Les français ont baptisé notre bestiole sous le nom de Punaise américaine ou Punaise du pin. En effet, décrite pour la première fois en 1910, cette punaise était en quelque sorte « coincée » aux États Unis entre les montagnes Rocheuses, le désert mexicain, et la froidure canadienne. Aidée par l’homme, elle sort de cet espace limité dans les années 1950 puis colonise tout le pays avant d’arriver à New York en 1990. Dès lors la conquête de l’Europe devient prévisible, via les classiques échanges commerciaux, notamment maritimes. Les premières observations outre Amérique sont venues d’Italie du Nord (Venise 1999). Cette « tête de pont » fait tache d’huile, on la trouve rapidement dans les pays voisins. En France ont la retrouve précisément en Corse (2005) puis en région méditerranéenne continentale en 2006.

La bestiole semble particulièrement invasive, mais les espèces venues d’ailleurs le sont fréquemment, car dans ces nouvelles régions, elles se retrouvent sans leurs « régulateurs » habituels. Mondialisation aidant, les exemples de bêtes à problème ne manquent pas tel le doryphore venu d’Amérique à la fin de la première guerre mondiale, le frelon d’Asie agressif et tueur d’abeilles arrivé en France dans un lot de poteries chinoises en 2004, le moustique transmettant le virus du chikungunya arrivé en Europe avec les voyageurs en provenance des Antilles, et aussi ce papillon argentin qui s’attaque violemment à nos palmiers. Autre soucis majeur : comment va se transmettre la bactérie Xylella aujourd’hui déjà présente en Corse et dans la région de Nice ? (voir le journal Vivre à Lorgues N°129)
Heureusement, notre bestiole n’a pas tous les défauts. Tout d’abord, elle ne mange que des végétaux donc notre épiderme n’a absolument rien à craindre : elle ne pique pas. Autre point appréciable : la fameuse et très désagréable « odeur de punaise » est présentement très supportable, y compris en cas d’ « écrabouillage » accidentel … ou volontaire !

Elle a même une particularité bien spécifique: elle dispose de capteurs infrarouges qui lui permettent de déceler à distance les sources de chaleur donc son déjeuner, le métabolisme des cônes nourriciers en formation induisant une certaine « surchauffe ».
Enfin, quand une punaise US a trouvé gîte à sa convenance, elle émet desphéromones très particulières, dites « d’agrégation », et là où l’espèce abonde … les copines rappliquent par dizaines ! … et s’agrègent ! Pas étonnant donc que nous avons vu s’installer chez nous en quelques jours une colonie impressionnante. Dans la nature, on trouvera donc la bestiole dans les pins, sur les cônes ou sur les aiguilles de pins.
Elle pond d’ailleurs ses œufs en faisant un joli alignement sur une aiguille.
Pour conclure, il ne faut pas craindre la présence de ce nouveau locataire, la punaise américaine, dans nos maisons , seuls les pépiniéristes qui cultivent les pins devront surveiller les jeunes plantations et il reste à voir si cet insecte aura un impact ou non sur l’évolution de nos forêts de conifères à moyen terme.
François Lenglet 07/2016
Sources : Sites internet
Fiche spécifique: http://www.galerie-insecte.org/galerie/fiche.php?ref=154762 Etude détaillée : http://www.insectes-net.fr/punaise/leptoglossus1.htm
