Il y a dix ans, les lecteurs de Vivre à Lorgues faisaient la connaissance du Professeur Yves Rocard, ce grand physicien, ce savant professeur à l’Ecole Normale Supérieure qui fut un des pères de la bombe atomique.
Au cours des années 1960 / 70, il séjournait régulièrement à Lorgues pour faire construire la station sismique située dans le quartier des Maneous destinée à …détecter les explosions nucléaires.
Il était aussi passionné par la sourcellerie mais fut très surpris par l’incrédulité de la communauté scientifique à la lecture de ses écrits sur ce sujet.
L’actualité: une expérience vécue fin 2025 et une exposition à venir, nous conduisent à publier un article sur ce sujet écrit en 2015 mais non publié à l’époque. Puis, nous ferons le point fin 2025.
Yves Rocard , le savant sourcier (article de 2015)
Le sourcier est cet homme qui affirme être capable de détecter avec précision une veine d’eau souterraine à l’aide d’une simple fourche en bois, de baguettes ou d’un pendule. Le Professeur Yves Rocard, en 1961, essaya de donner une explication scientifique à ce phénomène. Sa publication « Le Signal du Sourcier » fut contestée aussi bien par les milieux scientifiques que sourciers. Comment a évolué cette polémique ? Et aujourd’hui après plus de 50 années où en sommes-nous ?
Les progrès de la science permettent à Y Rocard d’approfondir sa compréhension du phénomène sourcier.

Après la publication de son livre, malgré les critiques, Y Rocard reste convaincu de l’authenticité de sa découverte et va continuer ses recherches et ses expériences. Selon lui, l’environnement d’une veine d’eau provoque une anomalie du champ magnétique terrestre qui va agir sur le tonus musculaire du sourcier et faire basculer la baguette ou tourner le pendule. Il est facile de reproduire cette anomalie magnétique en faisant parcourir un courant électrique dans une bobine fixée sur un cadre. Y Rocard va donc pouvoir multiplier les essais sur l’homme même lorsqu’il ne dispose pas de source d’eau et approfondir ses analyses.
Les instruments du sourcier :
L’instrument le plus ancien est la baguette fourchue « furcelle » : la prise en main de la baguette est délicate car il faut assurer un équilibre instable et son basculement vers le haut ou le bas est irréversible.

Les baguettes en métal en forme de L tenues parallèles et horizontalement ont l’avantage d’être réversibles et d’être moins sensibles aux déplacements parasites liés à la marche sur un terrain bosselé.
Le pendule aura finalement la préférence d’Y Rocard : l’anomalie magnétique transforme un mouvement de basculement longitudinal en une rotation, les réactions sont précises et constantes, l’essai sur la zone sourcière peut se faire en restant immobile réduisant l’impact de tout phénomène parasite. Enfin, le temps de mise en rotation permet de comparer la sensibilité sourcière entre individus.
Où trouve-t-on des zones sourcières ?
Ce n’est pas l’eau de la source qui crée l’anomalie magnétique mais son environnement affirme Y Rocard : c’est l’aimantation du milieu traversé par l’eau qui passant toujours au même endroit va laisser des dépôts ferriques sur les cailloux, ces derniers lors d’un orage, par exemple, vont se transformer en mini aimants.
L’invention, au début des années 1960, du magnétomètre à protons permettra d’obtenir des mesures de champ magnétique très précises. On trouve des anomalies magnétiques détectables par la baguette aussi bien près d’une source d’eau que d’une falaise, une masse métallique ou près d’une cavité (en effet, l’absence de toute matière provoque également une anomalie magnétique dans l’environnement de toute cavité).
Comment l’anomalie magnétique agit sur l’homme ?
C’est principalement à cette question qu’Y Rocard consacrera ses dernières expérimentations et ses écrits.

En 1980, il est contacté par le docteur J B Baron qui vient d’inventer un appareil : le statokinésimètre destiné à étudier les déplacements de tous les membres du corps humain en fonction d’une influence extérieure. En plaçant le sourcier sur cet appareil et en créant un champ magnétique à l’aide d’un cadre traversé par un courant en particulier dans le sens latéral avec une grande dissymétrie droite- gauche ou gauche- droite, ils montreront bien des déplacements de la main provoquant la rotation du pendule : la détection du sourcier n’est donc pas un artefact. Enfin, ils détermineront avec précision les zones sensibles du corps humain capables de ressentir l’anomalie magnétique : les arcades sourcilières en particulier mais aussi le cou, les coudes, les lombaires, les genoux et les talons. Ces centres récepteurs magnétiques annoncés par Y Rocard dès 1981 seront découverts en 1983 grâce au microscope électronique : il existe bien des cristaux de magnétite dans le corps humain.

Dorénavant Y Rocard imposera à chacun de ses visiteurs un exercice de sourcellerie, il multipliera les expériences en aveugle, les seules qui aux yeux de la science valent démonstration. Il mettra en évidence de nombreuses contraintes pour assurer la réussite de tels essais. Ainsi, l’endroit où les essais sont effectués doit être éloigné de toute pollution magnétique donc loin des villes et loin de toute pièce métallique parasite, le choix de l’axe géographique du déplacement du sourcier est fondamental ainsi que sa fatigue au moment de l’essai et l’historique des essais effectués antérieurement, c’est ce qu’il appellera l’hystérésis du sourcier.
Il conclura. Ces expériences peuvent être menées malgré leur complexité, mais il y a de subtiles précautions à prendre, qui tiennent toutes à l’hystérésis du sourcier.
Les magnétiseurs sont-ils aussi sourciers ?
Y Rocard émettra l’hypothèse que si un magnétiseur est capable de soigner certaines maladies par simple imposition des mains, ces dernières doivent contenir de la magnétite. Testant la capacité de sourcier de plusieurs magnétiseurs, il fera l’expérience suivante : il se positionne près du magnétiseur, tient un pendule de la main droite, immobile, il demande au magnétiseur de placer trois doigts sur son arcade sourcilière gauche, le pendule tenu par Y Rocard se met immédiatement à tourner. Le magnétiseur avec ses doigts a donc bien créé une anomalie magnétique
D’où sa conclusion : Tous les magnétiseurs sont d’excellents sourciers
Les opinions continuent à diverger.
Aidé uniquement par ses élèves de l’Ecole Normale, Y Rocard se sentira bien seul pendant plus de 15 ans et ne fera pas de nouvelle publication. Puis, un jour de 1979…
« Les sourciers reprennent du poil de la bête »
C’est sous ce titre qu’un journal anglais « The New Scientist » révèle que d’une part les Russes ont réhabilité l’emploi de la baguette pour leur recherche géologique et lui ont donné une étiquette scientifique : « BPM » pour Biophysical method et d’autre part les Américains mènent des travaux sur le phénomène sourcier.
Directement inspirés par le livre d’Y Rocard, les Russes, pragmatiques, ont mis en place des équipes de géologues qui utilisent des baguettes pour la recherche de filons miniers et les ressources en eau de leur immense territoire, effectuant même de la prospection en hélicoptère. Les Américains de leur côté ont fait des recherches de détection à l’aide de sourciers sur plusieurs types de terrains ; certains terrains donneront des résultats satisfaisants.
Et la polémique reprend de plus belle
Y Rocard se sentant enfin soutenu par certains scientifiques affiche en 1981 ses résultats dans un article de la revue « La Recherche » Dès sa parution, cet article est plutôt décrié voire démenti. En particulier, un groupe de scientifiques se montre critique, il s’agit du Comité Para créé en Belgique à la fin de la guerre 1940- 45 pour étudier les phénomènes paranormaux et démasquer les charlatans. Après avoir rencontré et expérimenté avec Y Rocard au début des années 70 puis mené ses propres expériences, ce Comité déduit que tout ce qu’il prétendait avoir trouvé était faux et diffuse ses propres conclusions dans une brochure diffusée en interne mais pas transmise au professeur. A la suite de l’article dans La Recherche, Y Rocard se verra opposer cette brochure dont il finit par prendre connaissance près de 15 ans après sa parution. Il n’aura aucun mal à mettre en cause scientifiquement les essais réalisés par le Comité Para et écrira sévèrement « Je n’ai pas à citer des expériences non publiées et que de plus on m’a laissé ignorer »
Dernière intervention d’Y Rocard
Il fera une synthèse complète de ses travaux dans un livre publié en 1990 : une véritable bible de la sourcellerie « La science et les sourciers ». Dans ce livre, il n’hésite pas à aborder de front la polémique dans le dernier chapitre intitulé ` Jactance, mauvaise foi, étouffements` La jactance lui permet de dénoncer ces sourciers vantards qui s’attribuent des pouvoirs et des réussites qui ne peuvent en aucun cas se justifier scientifiquement. La mauvaise foi est celle de ces scientifiques qui, à l’image du Comité Para, réalisent des tests bâclés, à charge, pour dénoncer ses propres résultats. L’étouffement est celui des médias qui évitent de publier des articles et de prendre parti sur le thème des sourciers et échappent ainsi à la critique.
Enfin, citons deux phrases de sa conclusion :
-l’opposition dite rationaliste à l’égard des sourciers est en vérité bien irrationnelle…puisqu’elle rejette hors de la science un domaine qui mérite d’en être un objet.
-je ne peux que prodiguer mes encouragements à l’étude menée actuellement en Allemagne sous l’égide du gouvernement et d’institutions munichoises, sur tout ce qui concerne la sourcellerie et la radiesthésie.
Y Rocard avait alors 86 ans et mourra deux années plus tard en 1992.
Quoi de neuf depuis 1990 ?
L’expérience de Munich tout d’abord :
Commencée dès 1986, l’expérience couta plus de 200 000 € au contribuable allemand et dura plusieurs années.
L’expérience consistait à faire chercher par un sourcier, agréé par ses confrères, la position d’un robot portant un tuyau traversé par une masse d’eau échappant à sa vue car placé sous un plancher. La position du robot était, au préalable, définie de façon aléatoire. Cinq cents sourciers sélectionnèrent 43 d’entre eux qui effectuèrent plus de 800 essais. La conclusion de l’étude fut : il n’y a aucune différence entre la performance des radiesthésistes et une détection effectuée au hasard.
« Devenez sorciers, devenez savants » :

Ce livre paru en 2002 est une des meilleures ventes de l’année. Il se donne comme objectif de montrer comment un certain nombre de sorciers modernes abusent le pauvre monde ! Concernant la détection de l’eau, il énonce sans nuance : toutes les prétentions des radiesthésistes ont été démystifiées depuis longtemps. En fait, le livre critique sans le nommer les travaux et écrits d’Yves Rocard Il s’appuie également sur les résultats d’essais effectués chaque année par les étudiants du laboratoire de Zététique de l’Université de Nice dirigé par un des auteurs du livre Henri Broch. La Zététique permet par des expériences simples et probantes de remettre en cause tous les phénomènes paranormaux, ainsi elle vérifie si oui ou non, la présence d’un signal radiesthésique assure une meilleure détection que le simple hasard ! Les expériences menées sont assez proches de celle de Munich et conduisent au même résultat : le signal du sourcier n’existe pas.
Mais nous devons ici souligner que tous ces essais pouvaient difficilement tenir compte expérimentalement du constat fait par Y Rocard que ce n’est pas l’eau mais son environnement qui crée l’anomalie magnétique provoquant le signal. Enfin, clin d’œil de l’histoire, Henri Broch est proche du fameux Comité Para qui critiquait sans lui dire les travaux d’Y Rocard dès 1970.
« Méthode expérimentale et sourciers »
Cet article diffusé en 2004 par le scientifique Frédéric Levy fait une analyse très poussée du phénomène sourcier en reprenant les calculs d’Y Rocard. Ses conclusions : les anomalies magnétiques semblent trop faibles pour être détectées par l’homme. Mais l’auteur, n’exclut nullement qu’il soit un jour possible d’identifier ce qui, chez l’homme, le rend sensible à de très faibles champs magnétiques.
« Nous avons un sixième sens magnétique »
Le magazine Sciences & Vie, ose ce titre en 2012 et annonce que le monde scientifique a aujourd’hui la certitude que l’homme possède tous les outils moléculaires pour capter les champs magnétiques. Il dispose non seulement de magnétite au niveau des articulations et de l’arcade sourcilière mais aussi d’une molécule située dans la rétine : le cryptochrome. Il a été prouvé que cette molécule réagit à la couleur bleue et au champ magnétique.
Comme il se doit, cet article va enclencher une nouvelle polémique, ainsi le journal Le Monde fera paraître ses critiques sous le titre « Sciences & Vie perd la boussole » …
En guise de conclusion…
J’ai interviewé le patron d’une grande société de forage de la région
« Comment déterminez-vous vos points de forage en 2015 ?
Sa réponse :
° Nous disposons maintenant de cartes géologiques très précises que nous remettons à un expert. Après analyse, l’expert nous accompagne sur le terrain avec un pendule. Il arpente le terrain et c’est grâce à son pendule explorateur qu’il détermine le point final de forage.
Comment encore affirmer aujourd’hui que l’activité de sourcier fait partie du domaine du paranormal ?
C’est très probablement une anomalie magnétique qui déclenche le signal du sourcier. L’homme dispose de deux moyens de détection des anomalies magnétiques. Les chercheurs ont aujourd’hui plusieurs maillons de la chaîne mais pas encore la chaîne complète ; il reste encore à trouver comment les informations sont transmises au cerveau.
Le professeur Y Rocard, ouvert d’esprit et très curieux, a, tout simplement, essayé de trouver une solution rationnelle au phénomène.
Enfin, si l’homme semble disposer de peu de moyens de détections naturelles néanmoins, grâce à son intelligence, à sa démarche expérimentale et scientifique, il s’est donné les moyens de devenir plus qu’un sourcier, c’est sans doute en cela qu’il est un peu sorcier mais pas un charlatan.
François LENGLET Aout 2015
Et aujourd’hui, fin 2025 ?….
L’Agglomération Dracénie Provence Verdon accélère son action pour contrôler la qualité des eaux usées, source majeure de la pollution des rivières et des nappes phréatiques
Comme nous habitons dans un hameau éloigné de la ville de Lorgues qui ne bénéficie pas du réseau d’alimentation en eau de la ville, ni du réseau de récupération des eaux usées, le service SPANC (service d’assainissement non collectif), nous a annoncé, en octobre 2025, la visite d’un expert pour contrôler notre fosse septique et le réseau d’eau d’écoulement des eaux usées. Ce contrôle constitue une première depuis…40 ans.

Nous avons donc décidé, avant cette visite, de faire vider les fosses septiques et fait appel à la société VAR Vidange. Quand l’employé de VAR Vidange est arrivé, nous avons fait le tour de la maison et il a immédiatement noté que, en dehors des regards, toute l’installation n’était pas facile à détecter : elle était enterrée sous la pelouse et que…je n’avais pas de plan. Plutôt énervé, il a vite constaté que nous étions en pleine nature, dans un milieu non perturbé, et m’a demandé si j’avais des “baguettes”.
Intrigué, je lui demande de préciser ; il demandait bien des “baguettes de sourcier”. Puis il ajoute « Vous n’en avez pas, mais ne vous en faites pas, il y a ce qu’il faut au verger ». En effet il se dirige aussitôt au fond du jardin, repère un noisetier et coupe deux branches de 50 centimètres en forme de V. Il prend l’attitude du sourcier avec le V, pointe en avant, et parcourt la pelouse à pas lent en partant des regards des fosses septiques. En moins de 10 minutes, après deux parcours dans des directions perpendiculaires, il a effectivement localisé les circuits de drainage puis les fosses septiques.

Une fois les fosses vidées et les circuits nettoyés, je lui demande, en me montrant intrigué et septique : « Qui donc vous a appris la sourcellerie ? ». Il précise que c’est un ancien de VAR Vidange qui l’a formé et que c’est pour lui une pratique fréquente. Il ajoute qu’il est normal que l’homme réagisse aux anomalies de champ magnétique provoquées par les dépôts de l’eau circulant dans les circuits de drainage. Alors, je ne peux m’empêcher de lui confirmer qu’il vient de décrire la méthode sourcière étudiée par le Professeur Yves Rocard. Grand étonnement de sa part et il confirme qu’il n’a jamais entendu parler de lui. Et nous en resterons là….
Quelques jours plus tard, l’expert de la SPANC vient effectivement contrôler la fosse septique et le réseau d’écoulement des eaux usées, il nous promet un rapport d’expert plutôt sévère. Puis, je lui décris les recherches de localisation du réseau de l’employé de VAR vidange avec sa baguette de sourcier. J’aurais droit à une réponse brève et à un regard noir : « Il suffit de bien regarder la végétation »
La polémique continue….
Enfin, pour en savoir plus, rendez-vous à Bargemon du au février :
Une exposition intitulée « L’art ancestral des sourciers », évoquera de manière chronologique l’histoire des sourciers avec un focus sur deux d’entre eux : Martine de Bertereau (la baronne de Beausoleil) et Jacques Aymar, le sourcier détective de la fin du XVIIe. Vous y retrouverez également Yves Rocard et les nombreuses polémiques scientifiques en lien avec la radiesthésie.
François LENGLET Novembre 2025