1940, La bataille de France au jour le jour, le Lieutenant François LENGLET au cœur de la débâcle – 6

6-De la volonté de reconquête au profond désespoir.

Le mardi 4 juin 1940, François Lenglet, qui vient d’échapper à Dunkerque à l’encerclement des nazis en fuyant par bateau vers l’Angleterre, débarque à Brest et peut reprendre le combat.

Désormais, les forces nazis se concentrent sur l’invasion vers le sud et le contournement de la ligne Maginot. Début juin les forces alliées tiennent le front le long de la basse Somme et l’Oise .

Le général français Weygand ne peut que constater que face aux 130 divisions allemandes, il ne dispose que de 49 unités, dont certaines sont épuisées par la retraite.

A Brest, François Lenglet reprend le commandement d’un groupe de 40 hommes rescapés du 161ème R.A.P.(Régiment d’Artillerie de Position).

Dès le 4 juin, le groupe prend le train vers Caen et sa région en direction du front.

Juin 1940 Armes abandonnées à Malo les Bains par les Français

A travers les écrits de François Lenglet, on ressent de la lassitude et une grande impuissance : il sait bien que le groupe a laissé ses armes à Dunkerque/Malo les Bains et constate que l’exode des civils continue.

Sa principale inquiétude : où se trouvent sa femme Gisèle et son fils Paulo ?… « il me remet une lettre de Gisèle…mais elle date du 13 mai»

Jusqu’au 11 juin, aucune action armée n’est menée. Puis, il effectue un nouveau déplacement qui ressemble bien à une retraite, vers la région de Rennes via Le Mans où ils arrivent le 12.

Il faut attendre le 16 juin, pour voir une première action militaire s’enclencher : « Nous allons établir des emplacements de pièces anti-char. » … mais les pièces anti-char n’arriveront jamais.

 Le 18 juin, c’est la grande confusion : il reçoit l’ordre d’envoyer 70 hommes à Rennes avant de recevoir le contre ordre : « Rester sur place et attendre !… En rentrant, j’apprends que Rennes a été occupé par l’ennemi ! »

Alors commence la débandade : « La plupart des soldats n’attendent plus d’ordres et par petits groupes prennent des directions diverses pour échapper à l’ennemi. ».

De son coté, François Lenglet, fidèle aux consignes de l’armée, ne cache plus son désarroi. Apprenant que Nantes est aux mains de l’ennemi, il écrit « il ne reste que l’espoir peu glorieux de retarder notre capture. »

Le 19 juin, il souhaite se lancer vers une reconnaissance vers Guérande et St Nazaire, probablement dans l’espoir de fuir par bateau, mais son capitaine bloque cette nouvelle action .

 Enfin, il ne dit pas un mot et ne semble pas du tout au courant de ce qui se passe au niveau national, ni du message radiodiffusé de Pétain du 17 juin , ni de celui de De Gaulle du 18 juin. Ces deux discours montrent bien la confusion qui doit régner au sein de l’armée française 

Le 17 juin, le Maréchal Pétain qui, à 84 ans, vient de prendre la direction du gouvernement français déclare : 

« …. Sûr de l’affection de notre admirable armée, qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires contre un ennemi supérieur en nombre et en armes, …, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur…. C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat…. »

Le 18 juin, le Général De Gaulle déclare à la radio depuis Londres :

« Le Gouvernement français a demandé à l’ennemi à quelles conditions honorables un cessez-le-feu était possible…..

La défaite est-elle définitive ? Non !….

 Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure.

Le destin du monde est là…..

Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. »

Notes du Lieutenant  François Lenglet

Partie 6: De la volonté de reconquête au profond désespoir du 4 au 19 Juin 1940.

Mardi 4 juin

La nuit s’est écoulée sans incident- J’ai pris mes 34 ans entre Plymouth et Brest.

A 4h dans le demi-sommeil, j’entends que nous sommes en vue des côtes françaises

Je me lève et vais sous la brise fraiche observer notre entrée en rade.

Nous restons à l’ancre devant l’école navale jusqu’à 16h, heure à laquelle nous accostons.

A 19h nous prenons le train. L’un d’eux contient des hommes du 161è : Hommes 40 / Chevaux (en long) 8

Mercredi 5 juin

A 17h nous débarquons à Mutrécy (sud de Caen) où je retrouve  40 hommes du 161ème RAP (Régiment d’Artillerie de Position) que j’aurai maintenant à gouverner.

21h30  Fresney le Puceux rejoint par autocar.

 Jeudi 6 juin

A 10h  je retrouve mon cher camarade Abel Lemaire qui a le bonheur de déjeuner avec sa femme. Il cantonne au hameau de la Planche à la Housse.

Je retrouve mon détachement à Boulon où il m’a devancé et où se trouve des éléments du 3è groupe Capitaine Andonin, Lieutenant Wery, Lieutenant Hubert.Le 2è groupe est représenté par 65 hommes qui se sont embarqués avec des fortunes diverses.

Juin 1940 Sur le chemin de l’exode

Vendredi 7 juin

A 14h  nous partons pour Bretteville sur Laize.

Le capitaine Marchal du IIè groupe, qui se trouve avec 6 ou 7 autres officiers et une vingtaine d’hommes dont Embeville et ses camarades S.O.M. basés à 20km de Lisieux, vient nous voir et apporte le courrier. Il me remet une lettre de Gisèle mais datée du 13 Mai.

Samedi 8 et  Dimanche 9 juin ,        Cantonnement à Bretteville.

Lundi 10 juin

17h  le 3è groupe du 161è reçoit l’ordre de se tenir prêt dans un délai réduit. Nous installons des barrages aux issues de Bretteville pour arrêter tout fuyard descendant de la Seine.

17h30  Le IIè groupe doit se tenir prêt à partir dès 18h30. Transportés en camionnette, nous embarquons à Caen à 21h.

Mardi 11 juin

Séjour dans la gare du Mans

Mercredi 12 juin

Départ pour Rennes, arrivée le matin, recueillis à la Caserne du Colombier.Nous recherchons des nouvelles de nos familles au centre d’accueil des réfugiés.

Couchés sur des paillasses dans un magasin de mobilisation.

Jeudi 13 juin, Vendredi 14 juin

Départ puis séjour à St Jouan de l’Isle (N.E. de Rennes)

Samedi 15 juin 

Départ pour Janzé

Nous cantonnons à Brie où je retrouve des Caudrésiens

Dimanche 16 juin

Départ à pied pour la ferme Belle Vue –  ….    vents de Chateaubriant. Nous allons établir des emplacements de pièces anti-char.

Lundi 17 juin

 Exécution. A midi viennent nous rejoindre le Cne Bayard, les Lts D’Hendecourt, Tanguy, Aspirant Leclercq , Adjudant-chef Lemettre, Adj Fr….et 25 hommes du II/161ème.

Le soir, recevons ordre de former les pelotons des pièces anti-char- Se tenir prêt à recevoir le matériel le lendemain à 7h.

Mardi 18 juin

A 7h, pas de pièce, mais la préparation se fait avec ardeur- A 10h, pas de pièce –

Les Polonais ont pris position entre Belle Vue et le carrefour Rennes Chateaubriant- Janzé ,Bain de B.

Je vais en liaison à Janzé et Brie. On sent les Allemands très proches. Le 3è groupe reçoit, à 10h30, l’ordre d’envoyer 70 hommes à Rennes.

Ordres de la place de Rennes : Rester sur place et attendre ! En rentrant, j’apprends que Rennes a été occupé par l’ennemi ! Nous ne recevons pas de pièces

Juin 1940 Colonne de soldats Français en retraite

A midi 30, je retrouve le Capitaine Bayard qui a fait rassembler les hommes avec leurs paquetages en vue d’un départ.

La plupart d’entre eux n’attendent plus d’ordres et par petits groupes prennent des directions diverses pour échapper à l’ennemi.

Nous restons dans l’indécision : liaison à Brie (3è groupe), pas de changement – liaison à Saulnières (1èr groupe) le temps d’être disposé à partir.

Vers 17h nous chargeons les voitures des hommes qui leur sont très fidèles.

 Les renseignements vagues laissent supposer que Nantes est aux mains de l’ennemi – il ne reste que l’espoir peu glorieux de retarder notre capture.

Arrivés et cantonnés à Sixt sur Aff.  (Note : Les Polonais sont magnifiques d’allant- bien équipés, bien armés. Ils ont établi des barrages sur les routes et ayant reçu l’ordre de s’opposer au passage de tout véhicule, tentant de l’exécuter avec le maximum de rigueur. Cet ordre, qu’ils croyaient destiné à arrêter les Allemands, avait pour résultat d’empêcher la fuite des Français qui ne voulaient pas se rendre encore. Était-ce une intention du commandement ?)

Mercredi 19 juin

Etonnés de ne pas être encore pris au réveil, cherchons liaison avec Redon et la Gacilly. (P.C. d’une direction qui se dispose à se replier pour le Sud de la Vilaine) – Nous poussons dans l’après-midi vers la Loire, St Nazaire, les Marais de la Brière.

Nous contournons St Molf où se trouvent des réfugiés du Nord (métallurgistes travaillant à Trignac)

Le capitaine freine les reconnaissances que nous désirons exécuter vers Guérande et St Nazaire.

Juin 1940

François Marie LENGLET Décembre 2024 Fils de François LENGLET

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