Partie 5 : Opération Dynamo , vers Douvres, puis retour à Brest
Le premier juin 1940, le lieutenant François Lenglet et son détachement embarquent sur le destroyer anglais « Icarus » qui quitte le port de Dunkerque pour échapper aux troupes allemandes et se dirige vers le port anglais de Douvres.

Il vient de profiter de l’opération Dynamo qui, composée de troupes anglaises, commandées par lord Gort, et épaulées par deux divisions françaises dirigées par le vice-amiral Abrial ont transformé Dunkerque en camp retranché et ont permis de sauvegarder l’accès au port de Dunkerque et les plages environnantes pour assurer le retour en Angleterre du corps expéditionnaire anglais.
Ce corps expéditionnaire envoyé initialement pour aider les Pays Bas, la Belgique et la France à bloquer l’invasion de son territoire par les troupes nazies était, comme une bonne partie de l’armée française, complétement encerclé par l’armée allemande.
En huit jours, près de 400 000 soldats ont pu rejoindre l’Angleterre.
Arrivé à Douvres à 4h du matin ce premier juin, le détachement de soldats français est immédiatement conduit en gare de Douvres. L’objectif est de rentrer en France au plus vite pour reprendre le combat et libérer la France. Le train prend la direction de Plymouth dès 7h30.
Au même moment, François Lenglet est, très probablement, choqué d’entendre, autour de lui , les soldats anglais affirmer que, pour eux, la guerre est finie : « war finished !» .
Néanmoins, il sera surpris de l’accueil des Anglais. La première surprise est que, contrairement à Dunkerque, le port de Douvres n’a subi aucun bombardement et qu’aucun avion allemand ne le survole. La seconde est la qualité de l’accueil des Anglais « Partout la population nous reçoit avec enthousiasme… ». La troisième est l’organisation : « aux points d’arrêt des services bien organisés nous offrent thé au lait… » . De quoi oublier la quasi famine qu’il fallut supporter à Dunkerque : « Bredouille….que le biscuit de guerre est délicieux !»
L’arrivée à Plymouth est encore plus surprenante : le détachement défile dans la ville « Le détachement fait un gros effort pour défiler en ordre, y réussit en partie et ce défilé conserve dans le disparate des équipements une certaine grandeur ». Le soir, lorsque le détachement est enfermé dans une caserne de l’artillerie, les curieux… « quémandent des autographes….je donne des souvenirs à des jeunes filles »

Le 3 juin, c’est le retour vers la France encore libre. Départ du port de Plymouth à 16h30. Ils sont embarqués sur le croiseur auxiliaire français El Kantara qui, bien protégé par un petit chasseur de sous-marin et par un hydravion quadrimoteur, se dirige vers la rade de Brest en naviguant en zig-zag pour perturber les interventions éventuelles des sous marins allemands.
Notes du Lieutenant François Lenglet
Partie 5: Opération Dynamo , vers Douvres puis retour à Brest du 01 juin au 04 juin 1940.
Samedi 01 juin
Il est minuit quand j’embarque sur le destroyer Anglais « Icarus » .
Nous sommes échappés de la souricière ! Aventure incroyable !

Accueil charmant au carré des officiers, buvons et mangeons à notre faim !
Nous serons à Douvres…

Nous nous offrons, dans les ténèbres, du sommeil qui nous accable.
Nous débarquons à 4h à Douvres où notre détachement est immédiatement installé dans un train.

Je ne retrouve pas mes braves hommes qui ont subis avec moi les dangers de la retraite. Pas d’inquiétude sur leur sort cependant : ils étaient à dix mètres de moi au moment de l’embarquement.
Dimanche 2 juin
Le train démarre à 7h30. Nulle part n’apparaissent les traces d’un bombardement !
Nous longeons d’abord la côte : d’une part une mer calme et d’un beau bleu-, d’autre part la falaise blanche Folkestone- Sandling- Stapelhurst- Paddock Wood- Reigate- Betchworth- Conohal and Shere- Chilworth-Schalford- Guildford
– Reading à 12h50 et Westbury.
– à 14h30 Witham

Partout la population nous reçoit avec enthousiasme : agitation de drapeaux, des gestes de la main, les baisers des dames et, plus appréciable encore, aux points d’arrêt des services bien organisés nous offrent thé au lait, limonade, sandwiches divers, journaux etc….
Les journaux nous apportent des nouvelles bien mauvaises pour un moral qui commençait à se relever.
Nous apprenons que l’Italie est entrée en guerre contre nous ! Une telle hypothèse, il y a un mois, ne nous effrayait pas, mais, maintenant, malgré la débâcle de l’armée du Nord, nous sentons que la victoire sera pénible.

-15h45, Tannton – Repas de pâtisserie et fruits servis sur le quai.
Puis Dawlich – nous longeons un bras de mer avec une suite de stations balnéaires. Les Falaises, les terres labourées sont rouge brique.
17h15 Beignouth
17h30 Newton Abbot : Boissons chaudes
18h30 Plymouth – Nous parcourons à pied un kilomètre dans la ville entre deux haies de curieux mi étonnés- mi enthousiastes-. Des gamins crient- les femmes agitent les mains.
Le détachement fait un gros effort pour défiler en ordre, y réussit en partie, et, ce défilé conserve , dans le disparate des équipements, une certaine grandeur.
Nous logerons dans une caserne de l’Artillerie
Repas froid mais copieux. Couché sur le plancher après un peu de toilette
Les grilles sont fermées, derrière, quémandant des autographes, une foule de femmes ou de jeunes filles. Je donne quelques souvenirs à des jeunes filles que je choisis parmi les plus timides.
Lundi 3 juin.
Bien dormi…sur le plancher !
En attendant le petit déjeuner, j’assisterai du haut d’une terrasse à la manœuvre à pied des jeunes recrues anglaises. A 12h45 nous faisons nos adieux aux officiers anglais, qui nous ont si aimablement reçus, pour nous diriger sur le port d’embarquement.
A 13h 30 nous embarquons sur le Sir Francis Drake qui nous transporte en rade sur l’El Kantara, armé en croiseur auxiliaire.
A 16h30 nous quittons la rade par un temps magnifique
A 18h Un excellent repas chaud nous est servi dans la salle à manger des premières.
A 19h30, je suis sur le pont, dans la foule des poilus un peu tassés, portant la ceinture de sauvetage mais d’excellente humeur – Ils ont retrouvé leur pinard.

A notre droite vogue l’El Mansour et devant un petit chasseur de sous-marin.
Un hydravion quadrimoteur surveille les environs tandis que nous voguons en zig- zag.
La mer est belle- d’un bleu noir comme ce jour de ma première traversée à Folkestone en 1932-
Pas le moindre soupçon de mal de mer.