Partie 3 : La défense de Douai, le coup de faucille des Allemands du 20 au 24 mai 1940
Le 20 mai, montre combien le commandement français et allié est désorienté et mal informé. Il ignore très probablement que dans l’armée allemande, il y a 12 fois plus d’opérateurs radio que dans l’armée française. Les communications sont donc bien plus sûres et les officiers allemands sont bien mieux renseignés que les alliés.

Il faut beaucoup de volonté et de ténacité à François Lenglet pour trouver un poste de commandement de l’armée française opérationnel, et, obtenir de nouvelles instructions . Il retrouve enfin un commandement à Cuincy, au nord de Douai et va désormais tenter de positionner et orienter l’artillerie du 16ième R.A.D.A.
Les jours suivants sont plus calmes mais, l’atmosphère, au sein du commandement, est plutôt lourde : « Je ne me sens guère adopté par le 16ème et on me tient dans l’ignorance des ordres ».
Bien sûr, personne ne lui dira que les Allemands viennent d’arriver au bord de la manche, à Abbeville.
Malgré tout, le 16ième R.A.D.A. repart à l’offensive vers le sud de Douai jusqu’à Féchain, mais l’aviation allemande continue à pilonner la région.
Le 22 mai il écrira : « la défense anti aérienne est inexistante. On peut dire que l’aviation ennemie fait absolument tout ce qu’elle veut. Pour ces gens-là, c’est une vraie fête ! »
Le 23 mai il essaiera de participer à la mise en place d’une ligne de défense le long de la rivière la Sensée.
En effet, le commandement français vient de décider de tenter d’utiliser les canaux pour freiner l’avancée des chars allemands. L’artillerie devra détruire les ponts. Cette opération, si elle ralentit l’avancée allemande, sera bien insuffisante pour les stopper.
Puis on lui commande de rejoindre l’état-major de la 25ième DIM à Montigny en Ostrevent mais, c’est plutôt la panique : « Nous avons l’impression d’être complétement en l’air » et il se retrouve, le soir, à La Bassée.
Le 24 mai, il décide de « rogner par le nord » mais finit par apprendre que les allemands sont au bord de la mer à Boulogne. Ils viennent de réussir leur « coup de faucille » comme le dit Winston Churchill
Cette fois, l’heure est grave, François LENGLET vient de comprendre que les troupes françaises sont cernées et, au bord du désespoir, il écrit :
« Le fait se présente brutalement ce midi : impossible de se dégager par la côte-Morne désespoir-Serions-nous ainsi prisonniers malgré tous nos efforts pour sauver notre matériel ? »
La mort dans l’âme, il renonce à rejoindre le bord de mer et revient vers son point de départ du 20 mai : la ville de Douai.
Il terminera la journée à Raches au nord de Douai tout près de son point de départ.
Notes du Lieutenant François Lenglet
Partie 3: La défense de Douai, le coup de faucille des Allemands du 20 au 24 mai 1940.
Lundi 20 mai.
Je retourne à Douai à bicyclette et trouve au Quartier de Caux, Paul Hutin, marchand de vin à Bertry, accompagnant un officier.
Nous trouverons des renseignements au XIème corps ,installé à l’école du Faubourg de Cuincy.
Le Colonel Meunier, commandant l’artillerie de la 25è D.I.M. [121èRI, 38èRI, 92 è RI, 16è RADA, 216è RADA] m’affecte immédiatement au 16è R.A.D.A. (Régiment d’Artillerie Divisionnaire Automobile) qui a perdu son matériel S.O.M. en Hollande. (Le Colonel Meunier commandera l’Oflag IV D (Decode), ——— VIA (Soert) où son attitude franche et calme lui a valu l’estime de la grande majorité des officiers prisonniers),
Le régiment est en position entre Cuincy et le Pont de Cuincy (P.C. au Pont de Cuincy).
Nous établissons une base dès notre arrivée. Exécution des tours d’horizon et installation de la ligne téléphonique.

L’après-midi, je sors à Douai où j’ai le plaisir de retrouver à peu près tous les officiers de l’Etat Major du IIème groupe et une cinquantaine d’hommes qui ont suivi à bicyclette mais aucun S.O.M.
Au XIème corps, où je les conduis, on les dirige sur Lens- J’ai bien de la peine d’être séparé de ces bons camarades. La journée est très calme. Nous passons une partie de la nuit aux calculs de la base.
Mardi 21 mai.
Journée très calme. On prépare un mouvement vers le sud. A midi, je fais rouler la ligne S.O.M. (Section d’Orientation Motorisée)
L’Etat Major du 16è R.A.D.A. (Régiment d’Artillerie Divisionnaire Automobile) est extrêmement froid ,à l’exemple du Lt. Colonel Aizier- Je ne me sens guère adopté par le 16ème et on me tient dans l’ignorance des ordres.
Mercredi 22 mai.
La section S.O.M. reste avec l’échelon lourd à Cuincy- Le régiment est parti pendant la nuit.
A 11h, je pars pour Villers au Tertre avec le Lt. Reynaud qui monte le ravitaillement. A Erchin, nous devons précipitamment nous abriter d’un premier festival de Messerschmitt mitraillant à très basse altitude avec balles incendiaires que nous voyons passer à quelques mètres au-dessus de nos têtes.Pendant un court entre acte, nous montons vers Villers au Tertre-. Trois chenilles tractrices du 74ième R.A. brûlent sur la route.

Notre Dame de Lorette
Après le repas, à 15h, nouveau festival à la mitrailleuse- Une nouvelle tractrice de 105 du 74ième R.A. flambe près de notre porte.
Un aumônier et un homme du 2ème groupe du 16è sont tués, quatre blessés. A 15h nous tirons sur le Pont de Brunémont.
Pouvions nous penser cela voilà 9 ans, ma chère Gisèle ?
Le 121è RI a poussé jusqu’à Abancourt, Bantigny, Hem Lenglet.
A 20 h30, de petits bombardiers biplans attaquent en piqué les 4è et 5è Batteries du 16è R.A. installés à 200m de nous. Nous assistons à un bombardement en règle.
En quelques minutes, les pièces d’artillerie (sans filets cache canon) sont noyées dans la fumée. Que restera-t-il des hommes et du matériel ainsi bombardés et mitraillés ? -Cinq minutes d’anxiété dans l’odeur de la poudre-et on apprend qu’aucun dégât humain, ni matériel, n’a été causé au groupe. Très impressionnant mais bien inefficace malgré une défense anti aérienne inexistante.
On peut dire que l’aviation ennemie fait absolument tout ce qu’elle veut. Pour ces gens-là, c’est une vraie fête ! (Dans la matinée du 22 mai, le 104 a poussé avec canon de 155 GPF jusqu’à Féchain et tiré 60 coups sur le champ d’aviation de Niergnies),
Jeudi 23 mai
La nuit a été calme du moins pour moi qui ai dormi sans inquiétude sur un sommier à l’étage du PC.
Au réveil, à 7h l’ennemi bombarde les environs au canon.
Le 121è a abandonné son triangle.
Nous nous installons en position défensive sur le canal de la Sensée.

Les avions nous laissent tranquilles malgré une ronde continuelle.
A 13h15, on annonce qu’un de nos tirs à Aubigny au Bac était trop court. Des tués, des blessés chez nos fantassins ? Qu’elle catastrophe ! Le Lt. Colonel se rend aussitôt là même, sur la ligne d’infanterie. En réalité, un seul blessé grave.
A 16h, je quitte le 16è RA sur un avis du Lt Colonel Aizier pour l’Etat Major de la 25è D.I.M. à Montigny en Ostrevent.
A 19h45, j’y reçois l’ordre de rejoindre le centre de rassemblement du régiment à l’invitation du 5è CA.Je rentre à Cuincy à 20h30 pour apprendre que dans la nuit du 22 au 23, l’échelon lourd du 16è R.A. y a été bombardé par du 105 vraisemblablement.
Suberville a conduit un blessé grave à l’hôpital de Béthune ,dans l’après-midi.
Je décide de rechercher immédiatement le centre de rassemblement du régiment que je sais vaguement vers Lens ou Hesdin.

Départ de Cuincy à 22h30 avec le Break et mon personnel par Henin Liétard qui a été très bombardé. Les convois anglais traversent la ville à toute vitesse. La route de La Bassée a été coupée par une bombe
Les lourds convois se rabattent sur Carvin.
Nous quittons la route de Carvin à Courrières pour rejoindre La Bassée où nous pensons trouver le centre d’accueil de Lens replié.
Nous arrivons à La Bassée à minuit et demi. La route vers La Bassée trop calme, trop vide ne nous laisse présager rien de bon.
Nous avons l’impression d’être complétement en l’air- les ponts sont vaguement gardés par quelques Anglais.
A La Bassée, dans la nuit, personne. La ville a été violemment bombardée par l’aviation
Par précaution, nous coucherons à Lorgies : nuit calme.
Vendredi 24 mai.
Je vais à bicyclette à La Bassée. Ne trouvons que quelques trainards -Plus de centre d’accueil. Je décide d’essayer de rogner par le Nord.
Itinéraire : Laventie-Estaires-Merville.
A Merville, un capitaine de G.R. signale l’ennemi entre St Venant et Aire. Il faut essayer de rogner plus au Nord.
A Strazeele parmi les colonnes anglaises, je trouve un commandant du 45è R.I. qui affirme qu’on se bat jusqu’à Boulogne.

Le fait se présente brutalement ce midi : impossible de se dégager par la côte – Morne désespoir -Serions nous ainsi prisonniers malgré tous nos efforts pour sauver notre matériel ?
Nous redescendons, la mort dans l’âme sur Outersteene, hameau de Steenwerck où nous mangeons et nous reposons quelques heures.
Il est 16h- Que faire ?
nous n’entendons rien du combat qui se préparait ce midi sur Merville-Streezeele.